Au Togo comme un peu partout ailleurs, à la veille des proclamations des résultats des examens nationaux, candidats, parents, proches et amis se mobilisent pour connaitre à l’avance le sort de leurs connaissances. L’adrénaline monte pour les uns et la peur devient grandissante pour les autres. Plusieurs demeurent dans l’incertitude totale tandis que d’autres se rassurent eux-mêmes face à la panique. Au Togo, des consultations se font généralement par l’envoi d’un message bien configuré à un numéro indiqué pour la circonstance.
Ce phénomène des consultations de résultats des examens par les réseaux de téléphonie mobile est devenu monnaie courante depuis plusieurs années.
Ces consultations dites mobiles ne sont d’ailleurs pas gratuites. Les candidats aux différents examens ou leurs parents devraient débourser la somme de 250 FCFA pour les consultations qui parfois ne marchent même pas.
Ils devront réessayer deux ou trois fois avant d’obtenir un simple résultat de leurs efforts fournis aux différents examens.
Le gouvernement togolais conscient de la situation
L’Exécutif togolais en sait sur la question. La situation devient alarmante et presque personne n’en parle. La dernière goutte d’eau qui a débordé le vase est celle du communiqué du ministre Ihou Wateba à la veille de la proclamation des résultats du BAC 2, session de Juin 2022.
« Le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche informe les candidats à l’examen du baccalauréat deuxième partie (BAC II) de la session de juin 2022 que la proclamation des résultats se fera dans les centres d’écrit le mercredi 20 juillet 2022 à 07 heures 30 minutes. Les épreuves orales débuteront le même jour à partir de 10 heures. Par ailleurs, les résultats seront disponibles par SMS dès mardi 19 juillet 2022 à partir de 15 heures », pouvait-on lire dans un communiqué officiel signé par le ministre de Faure Gnassingbé.
Cette note indique clairement que l’Exécutif togolais n’est pas ignorant sur la situation. Mais à qui profitent réellement les millions de FCFA engrangés dans ce trafic commercial en complicité avec les réseaux de téléphonie mobile ? Aucune réponse ne saurait être donnée pour le moment.
Un vrai trafic commercial…
« Quelle arnaque ? En complicité avec Togocom, ils savent que les élèves ne pourront pas attendre le 20 pour la proclamation. Humm 250f/SMS. 250 f multiplié au moins par la moitié du nombre des candidats, vous imaginez ce que ça donne ?», déplore un parent abusé.
« Dans aucun pays, un résultat d’examen n’est vendu au candidat. En prenant les frais de participation à un examen, tout y est inclus. L’inscription, le rabat, le perdiem au surveillant et bien d’autres, même parfois les frais de carburant pour le transport des épreuves y sont inclus. Pourquoi vendre les résultats aux candidats ? Même si le logiciel conçu pour gérer les examens est acheté à crédit, je pense que c’est au ministère de l’éducation nationale de prendre cela en compte dans son budget pluriannuel. D’ailleurs pourquoi on recrute les informaticiens développeurs d’application ? On les recrute pour qu’ils restent au bureau lire la presse et après faire leur propre affaire ? Arrêtez les désordres », s’est pour sa part indigné Daniel Agblevon, Gestionnaire comptable – Responsable logistique dans une entreprise française.
En effet, dans plusieurs régions du pays, la cherté de la vie ne dit pas son nom. Deux cents cinquante (250) francs CFA n’est pas un acquis pour toutes les couches sociales.
Si d’autres pourraient en trouver en un clic de doigts, il faudrait pour la majorité de faire de durs labeurs champêtres par exemple pour en trouver. D’autres devront par exemple vendre plusieurs régimes de palme pour trouver la modique somme de 100 FCFA dans des villages lointains.
Le député togolais Gerry Taama en a d’ailleurs fait cas dans une récente publication. Si l’on s’en tient uniquement aux résultats de l’examen du Baccalauréat deuxième partie au Togo, les chiffres récoltés par les consultations mobiles sont alarmants. La question que se posent les citoyens est de savoir ce qu’on fait de ces récoltes mirobolantes.
« J’ai lu cette note circulaire avec un certain agacement. Et je le dis encore une fois, certains ministres prennent des décisions comme s’ils ne vivaient pas au Togo », a indiqué l’honorable député du NET.
« D’après le communiqué, si vous avez passé le Bac 2 cette année, vous pouvez connaître les résultats si vous pouvez checker vos résultats par SMS (coût moyen du SMS 250f) dès le lundi 18 juillet 2022, et si vous êtes enfant de pauvre comme la majeure partie des enfants qui passent le bac 2, il faut attendre mercredi 20 juillet. C’est de l’apartheid scolaire et c’est inacceptable », commente-t-il.
« Non, monsieur le ministre Ihou Wateba, les résultats du BAC ne sont pas pour les gosses de riches », a martelé Gerry Taama.
Pour le député togolais, ce système s’apparente non seulement à un apartheid scolaire mais aussi à un trafic commercial qui ne dit pas son nom.
Le comble, c’est que ce système se fait avec un service public. Pour l’unique examen du baccalauréat deuxième partie, on s’en sort avec près de 20 millions de FCFA. Quid des examens du CEPD, du BEPC et du BAC 1. A qui profitent réellement ces fonds ? La question se pose.
« Il est de toutes les façons, inacceptable de privatiser et de faire un trafic commercial avec le service public. Il y a eu 74.305 candidats au BAC 2 cette année. Si chaque candidat, incapable de réfréner son impatience (on dirait que ces gens n’ont jamais passé le BAC, donc les résultats sont connus et quelqu’un va attendre trois jours) décide de consulter les résultats par SMS, ça fait 18.576.250 FCFA. Sachant que parfois il faut envoyer plusieurs messages avant la réponse parce que les serveurs sont saturés, j’estime que c’est une opération qui peut rapporter au bas mot 25 millions de francs, ceci au prix de sacrifices indicibles pour les enfants de pauvres. On ne doit pas accepter cela », a déploré le député togolais.
De l’urgence de reporter ces décisions
On ne se souvient pas encore que le gouvernement togolais ait pris cette décision en conseil de ministres. On ne se souvient pas qu’elle ait été validée par le parlement togolais. Mais qui en est le réel instigateur ?
Il faudra que l’Exécutif togolais puisse s’en mêler et mettre fin à cette pratique. Gerry Taama lance un appel pressant est d’ailleurs lancé au premier ministre togolais Victoire Tomegah Dogbe.
« Vu l’urgente nécessité de reporter cette décision, j’en appelle directement à Madame Victoire Dogbé. Il faut que les résultats du BAC soient proclamés le même jour, à la même heure », indique-t-il.
« Ceux qui ne veulent pas aller dans les centres de proclamation sont libres de consulter les résultats par SMS à leur bon vouloir. Sinon, il s’agit d’une discrimination républicaine », a-t-il ajouté.
Selon le député togolais Gerry Taama, l’interprétation parlementaire ne résout pas le problème. « Elle met presque 3 mois à aboutir et nous sommes en intersession. Que Madame le premier ministre intervienne pour mettre un terme à cette injustice », martèle-t-il.
De la nécessité de rendre les résultats disponibles et gratuits sur les plateformes officielles
Récemment, un site officiel du ministère des enseignants primaire et secondaire a été mis en place. Tout fonctionnait à merveille jusqu’au jour où l’on devrait s’attendre aux résultats que le site ne marche plus.
Toute analyse faite, cela a été fait sciemment afin de permettre aux candidats de passer par le moyen des consultations mobiles.
On se rend compte qu’au lendemain des consultations de résultats par SMS, tout revient à la norme, ce qui confirme notre analyse.
L’appel est lancé au gouvernement togolais afin de mettre fin à ces pratiques. Dans les pays voisins les résultats d’examens ont été annoncés gratuits même par messagerie.
Il serait ingénieux pour l’exécutif togolais de mettre à disposition des candidats aux différents examens, un système qui puisse aider à recevoir gratuitement les résultats des examens par SMS ou par email.
Bac, BTS, CAP, BEP, Brevet des collèges, etc., il suffira par exemple de s’inscrire sur un site mis en ligne à cet effet pour savoir, en temps réel et gratuitement, si l’on est admis ou ajourné.
Les compétences techniques pour y arriver n’en manquent pas au Togo. La main d’œuvre dynamique sans cesse croissante en est une preuve réelle.