Françafrique : des clés pour réussir des enquêtes sur le sujet

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Emmanuel Macron Copyright AFP

« Comment enquêter sur la Françafrique ? », tel est le thème qui a fait l’objet d’une discussion interactive entre les professionnels de médias ce jeudi 22 septembre 2022.

Organisé par le Forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales, le webinaire a regroupé plusieurs journalistes avec à la clé, une invitée de marque chevronnée qui s’y connait en la matière. Il s’agit de Fanny Pigeaud, journaliste avec plus de vingt ans d’expérience. Avec le partage de ses expériences, les participants ont eu de nouvelles perspectives sur la couverture des sujets liées à la Françafrique.

D’emblée, il faut noter que le concept de la « Françafrique », est généralement connotée péjorativement. Cette expression, créée en 1955 par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, peu avant les indépendances, désigne une relation qualifiée de néocoloniale par ses détracteurs, entre la France et d’anciennes colonies en Afrique subsaharienne.

La ‘Françafrique’, un système de domination mis en place par la France

Selon Fanny Pigeaud, la Françafrique se veut un système de domination mis en place par la France. Elle passe par différentes pratiques, l’idée étant de servir les intérêts de la France. C’est ce que soutenait d’ailleurs l’ancien président français François Mitterrand quand il disait que « la politique de la France en Afrique c’est de protéger les intérêts de la France. »

Plusieurs faits palpables montrent de nos jours cette domination française en Afrique. On peut parler notamment du franc de la Communauté financière africaine (Franc CFA) un système monétaire hérité de la colonisation française et utilisé par quatorze pays d’Afrique constituant en partie la zone franc. La forte présence des militaires français sur le continent africain n’est pas non plus négligeable. En effet, la France est intervenue militairement à près de quarante reprises sur le sol africain au cours des cinquante dernières années. Les opérations Barkhane, Takuba ou encore Sabre sont frais dans les mémoires.

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L’invitée a mis un accent particulier sur le Franc CFA, l’un des outils clés de la Françafrique. Comme on le sait tous, la France est la seule ancienne colonie qui a toujours gardé cette dominance monétaire en Afrique.

Le Franc CFA, l’arme redoutable et invisible de la Françafrique

Lorsque ses colonies d’Afrique ont accédé à l’indépendance à l’orée des années 1960, la France a réussi un tour de passe-passe redoutable. Elle a officiellement reconnu la souveraineté politique des nouveaux États tout en gardant la main mise sur leur économie grâce à une arme aussi puissante qu’invisible : leur système monétaire.

Depuis la création en 1945 du franc des colonies françaises d’Afrique (CFA), le sigle a évolué et désigne désormais deux monnaies : celle de la « communauté financière africaine » en Afrique de l’Ouest et celle de la « coopération financière en Afrique centrale ». Mais c’est toujours Paris qui décide de la valeur externe de ces monnaies. « La zone franc, qui assurait le contrôle économique des colonies, garantit encore à l’économie française un avantage comparatif sur le continent africain », rappelle Fanny Pigeaud comme elle le disait dans son ouvrage L’arme invisible de la Françafrique.

Les auteurs décortiquent ces mécanismes monétaires et racontent comment les dirigeants français ont combattu tous ceux, experts ou dirigeants africains, qui se sont élevés contre cette servitude monétaire. Depuis quelques années, le franc CFA est également devenu l’enjeu de luttes populaires. Conscients que les questions économiques sont éminemment politiques, les citoyens africains sont de plus en plus nombreux à réclamer leur pleine souveraineté monétaire.

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Enquête sur la Françafrique : pas de recette miracle

Enquêter sur la Françafrique n’est pas aussi très facile mais, « il n’y a pas de formule magique pour enquêter sur la françafrique », indique Madame Pigeaud.

Il faut toutefois que les journalistes disposent de plusieurs éléments afin de sortir des informations croustillantes et assez uniques. Selon Pigeaud, cela passe entre autres par les revues et la lecture des débats parlementaires français des années 40 – 50.

« Il y a beaucoup de ressources. Il faut lire sur ce qui a déjà été écrit sur la question », exhorte-t-elle en donnant l’exemple du livre L’Empire qui ne veut pas mourir, un ouvrage sur lequel Fanny Pigeaud a énormément contribué et qui retrace l’histoire de la Françafrique depuis les origines coloniales jusqu’à ses évolutions les plus récentes. L’ouvrage montre que le système françafricain, loin de se déliter, ne cesse de s’adapter pour perdurer.

« Ça, c’est vraiment un outil et moi je pense effectivement que dans les archives aussi il y a des choses qui sont accessibles depuis un ordinateur par exemple les débats parlementaires français des années 40 – 50. Ça, on peut y accéder. Il y a toujours des éléments intéressants », ajoute-t-elle.

« Il y a beaucoup de gens dans différents secteurs qui ont eu accès à des informations sur la Françafrique », rassure-t-elle sans toutefois oublier de pointer du doigt les difficultés rencontrées par les journalistes en Afrique. « Pour les journalistes dans un pays africain, là il y a plus de contrainte », a reconnu Fanny Pigeaud.

Archives, livres et ressources humaines : les meilleurs alliés du journaliste

Pour réussir une enquête sur les relations françafriques, il faut dans un premier temps bien définir ce que c’est que la Françafrique et ce à quoi elle fait référence, rappelle Fanny Pigeaud.

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Sur quel principe se base-t-elle pour fonctionner et il faut arriver à déterminer des ressources de livres, d’archive sans oublier des ressources humaines pour arriver à bien comprendre et arriver à trouver des explications ou des sources sur le sujet qu’on peut traiter dans ce domaine, a-t-elle poursuivi.

Il faut aussi rappeler que tout réside dans l’ingéniosité et la créativité du journaliste. Il faut donc trouver le bon angle qu’il faudra développer dans son enquête. Impôts, finances, etc. il y en a encore de la matière à donner.

« On peut travailler sur les sujets qui ont déjà été étudiés et puis trouver des angles différents. Je ne saurai dire quel sujet serait plus original que l’autre mais après on peut toujours chercher des sujets », rappelle Fanny Pigeaud.

Il est important de rappeler que les pays considérés comme appartenant a priori à la « Françafrique » sont les anciennes colonies françaises en Afrique subsaharienne, à savoir le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, le Niger, le Mali, la Guinée, la République du Congo, le Gabon, le Tchad, la République centrafricaine et le Cameroun.

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