Togo : désormais, dites ‘Nawda’ en place et lieu de ‘Losso’

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Au Togo, l’appellation « Losso » est erronée ou mieux n’existe pas. Cela peut se révéler choquant mais le Père Vincent Makoumayena, prêtre du diocèse de Kara illustre parfaitement cette réalité. En effet dans son ouvrage « Soka et Jimnaka : Un couple franco-suisse nawda… pour la mémoire« , une déclaration forte résonne : « Je suis Nawda et non Losso. »

Plus qu’un simple slogan, cette phrase marque un tournant dans l’affirmation de l’identité culturelle et linguistique des Nawdba, une communauté du nord Togo occupant la préfecture administrative de Doufelgou.

L’ouvrage du Père Vincent Makoumayena disponible au prix de 3000 FCFA

Nawda ou Losso ?

Historiquement, l’appellation « Losso » a souvent été utilisée par des non-locuteurs pour désigner le peuple nawda. Cependant, ce terme est perçu comme exogène, inapproprié et parfois réducteur, exploque l’auteur. En revanche, « Nawdm » (langue parlée) ou « Nawda » (le locuteur de la langue) reflète non seulement la langue, mais aussi l’identité, la culture et l’héritage de cette communauté. Adopter ce terme, c’est choisir de valoriser la dignité et l’histoire des Nawdba dans toute leur richesse.

Jacques et Marie-Claire NICOLE, reconnus en milieu Nawda respectivement sous les prénoms de Soka et Jimnaka, ont joué un rôle crucial dans cette reconnaissance identitaire après plus de 30 années de vie dans cette partie du Togo. Missionnaires franco-suisses, leur engagement dépassait la simple traduction de la Bible : ils ont édité un dictionnaire Français – Nawdm, élaboré la grammaire Nawda et ont embrassé pleinement la culture, la philosophie, la sagesse et la poésie locales au point de devenir eux-mêmes Nawdba.

L’histoire de cette appellation erronée

L’appellation erronée Losso qui est le regroupement des Nawdba et Lamba doit être bannie des usages puisqu’il n’y a pas de véritables similitudes entre les deux ethnies pour en faire une seule. « Losso » est un nom sous lequel les Nawdba sont appélés par les non-Nawdba. L’origine du mot « Losso » n’est pas claire et aurait ses origines dans le nom que les Tems leur avaient attribué auprès des colons allemands (confère Frobenius, 1913).

La confusion est née et a continué lorsque le nom « Losso » a été attribué par les administrations coloniales françaises du Togo à tous les résidents de ce qui est maintenant la préfecture de Doufelgou, quelle que soit leur appartenance ethnique ou linguistique. Les habitants de Agbandé-Yaka, Aloum, Défalé, Kadjalla, Kpaha, Massédéna, Pouda, Tchoré et d’autres cantons de la préfecture de Doufelgou parlent des langues généralement classées ensemble comme Lamba, mais ont également été appelés Losso par l’administration coloniale.

Bien qu’il y ait eu une influence mutuelle considérable entre les Nawdba et leurs voisins les plus proches, les Kabyé et les Lambas, leurs langues ne se ressemblent pas et ne sont pas mutuellement intelligibles.

Soka et Jimnaka : une naturalisation culturelle exemplaire

En optant pour l’appellation Nawda et en s’intégrant profondément à la communauté, Soka et Jimnaka ont incarné un respect authentique pour la langue et les traditions locales. Leur projet initial de travail linguistique s’est élargi à une véritable aventure humaine, où la philosophie, la poésie et le savoir-faire locaux sont devenus leurs repères.

Ce choix d’affirmation identitaire a été si profondément ancré que même les enfants nés au sein de la communauté ont grandi en percevant Soka et Jimnaka comme des Nawda à part entière.

Le couple franco-suisse Soka et Jimnaka

L’ouvrage met en lumière comment cette revendication identitaire dépasse les enjeux purement locaux pour devenir un modèle d’humanité universelle. En préférant l’appellation « Nawda » à « Losso« , il s’agit de reconnaître et d’honorer la richesse de chaque peuple dans sa spécificité. Cette démarche s’inscrit dans une vision plus large, que le Pape François résume par le concept d' »amitié et fraternité humaines universelles », indique le Père Vincent Makoumayena du diocèse de Kara.

Nawda, une affirmation d’identité

En effet, Soka et Jimnaka rappellent que l’adoption d’un langage ou d’une culture n’est pas une simple formalité, mais un acte de respect et d’amour profond pour l’autre. Leur témoignage, raconté avec sensibilité par Vincent G. Makoumayena, est une leçon intemporelle d’inclusion et de valorisation des différences.

« Je suis Nawda et non Losso » n’est pas seulement un slogan, c’est une affirmation puissante d’une identité retrouvée, portée par un couple qui a su transcender les barrières culturelles. Leur histoire, racontée dans ce livre publié aux Éditions Saint-Augustin Afrique, est un appel vibrant à tous ceux qui cherchent à construire un monde où les différences ne divisent pas, mais enrichissent.

L’ouvrage est disponible à l’adresse +228 92 03 81 47 et à la Librairie Bon Pasteur au prix de 3000 FCFA

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